De pictura

De Pictura est une étape scénique supplémentaire dans le dialogue engagé par Aurélie Gandit avec l'histoire de l'art. L'artiste part à la recherche d'une épure nouvelle. Un plateau blanc sur fond blanc, quelques accessoires et toujours la voix suffisent à peupler cet univers de figures, de signes et d'émotions esthétiques. L'articulation danse-voix n'a jamais été si nue puisque l'image, encadrée ou projetée, est évacuée de l'équation. Comme si dans sa disparition, le tableau, objet de focalisation et de fascination, se rendait plus visible.

Au plateau, cinq interprètes redonnent forme aux émotions sensibles qu'ils•elles ont chacun•e ressenties devant un tableau donné. L'Ivresse de Silène (1747) de Carle van Loo, une scène de bacchanale licencieuse marque l'un par ses postures quotidiennes et ses figures dégoulinantes. Une autre est fascinée par l'allégorie discrète qui se dessine dans l'obscurité de Tortue et crabe (après 1652), une peinture de sous-bois de Porpora Paolo. Les lignes brisées peintes par Charles Antoine Coypel dans La Destruction du palais d'Armide (1737) ou Les Voluptueux (1889) de Victor Prouvé, enchevêtrés entre plaisir et douleur, forment d'autres intrigues à embrasser.

Les cinq danseurs et danseuses égrènent des descriptions personnelles des tableaux, une chacun•e, et le groupe donne corps à ces tableaux remémorés, crée ces peintures sans peinture à travers le mouvement et la pose. Aurélie Gandit fait de l'impression sensible du regardeur ou de la regardeuse le point de départ de l'herméneutique des œuvres. Les voix qui résonnent dans les hauts-parleurs sont les témoins de cette progression cahoteuse dans la peinture. Les discours se heurtent à des hésitations, se construisent à force de tâtonnements et de rectifications, à la recherche d'une interprétation juste. Dans une écriture nourrie par la subjectivité des danseurs s'exprime ainsi un rapport intime à la peinture.